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Résumé L’Intelligence artificielle est redevenue récemment un enjeu de société majeur, dans tous les domaines de la vie professionnelle comme de la sphère privée. L’éducation, comme pour tant d’autres technologies précédemment (Baron, Bruillard, Lévy, 2000) (Baron, 2019), ne fait pas exception. L’effervescence médiatique est certainement en partie responsable de cette mise à l’agenda mais il ne faudrait pas sous-estimer les progrès récents de l’Intelligence artificielle, rendus tangibles pour un large public par une mise à disposition récente, via des agents conversationnels, de plusieurs IA génératives aux résultats souvent surprenants (ChatGPT, Bard, Mistral AI, etc.) (Ganascia, 2017). Des avancées tout aussi spectaculaires se sont produites il y a plusieurs années déjà dans le jeu : tout le monde a en tête la victoire de Deep Blue contre le champion d’échec Kasparov en 1997. La victoire d’AlphaGo face au champion du monde du jeu de go en 2016 est moins connue et cependant plus prometteuse. On ne donne au logiciel que les règles du jeu, il sélectionne les options au lieu de les examiner toutes, en somme il a sa propre façon de jouer. Cette victoire a ainsi démontré la très nette supériorité de l'apprentissage par renforcement par rapport à l’apprentissage supervisé (Cardon, et al., 2018) : y a-t-il là matière à évoquer une créativité de la machine ? Sur la question ancienne de la personnalisation pédagogique, Hubert Boët (2023) montre les avancées réalisées dans d’autres chantiers d’IA, comme la modélisation dynamique des connaissances des apprenants. Les institutions d’éducation et de formation ont tout intérêt à prendre la mesure d’un phénomène scientifique et technique d’importance. Entre la fin annoncée de toute créativité dans l’apprentissage et le discours enchanteur annonçant un nouvel essor de la créativité, il y a place pour la distance critique et une interrogation sur les opportunités et les défis que ces avancées apportent en termes de créativité pédagogique (Petit, 2022). La question de la créativité pédagogique repensée par l’IA soulève en effet nombre de questions susceptibles d’opérer des bouleversements majeurs dans les systèmes d’éducation et de formation. Les progrès de l’IA générative, notamment dans les dispositifs de formation à distance, nous obligent ainsi à repenser les conditions d’évaluation dans les formations, prenant encore trop souvent la forme de restitutions de connaissances peu mises en situation, exercices que des IA génératives tendent à mieux réussir qu’un élève ou un étudiant. Comment faire en sorte que les évaluations prennent davantage en compte des compétences créatives que toutes les formations sont aujourd’hui sommées de développer chez les apprenants ? Au-delà de la question centrale de l’évaluation, comment repenser les actions éducatives tirant profit des possibilités que les systèmes d’IA offrent au lieu de vouloir à tout prix s’en prémunir ? Est-il raisonnable de chercher à construire une « co-créativité » avec les IA ? Cette question se pose avec acuité dans tous les champs disciplinaires, les disciplines artistiques en première ligne, comme dans les éducations transversales (l’éducation aux médias et à l’information par exemple) ou la formation professionnelle. La question de la distance en formation est potentiellement renouvelée par un usage généralisé de l’IA susceptible de contribuer à parachever un processus d’industrialisation depuis longtemps amorcé dans la filière (Mœglin, 2010). Dans cet esprit, la conception assistée par l’IA pourrait-elle contribuer à de nouvelles économies d’échelle ? Le rêve d’une adaptation à grande échelle de contenus par ailleurs standardisés deviendrait-il réalité ? L’espoir ancien de l’automatisation d’un tutorat personnalisé à distance pourrait-il se concrétiser ? Le déploiement accru de l’IA questionne également les stratégies socio-économiques des acteurs des technologies au sein des systèmes éducatifs. Parmi ceux-ci, les start-ups estampillées « EdTech » investissent la plupart de leurs ressources dans leurs algorithmes pour accéder, avec le concours des pouvoirs publics, aux organisations éducatives. Avec des capitaux plus importants encore, les Big Tech se positionnent sur l’ensemble de la chaîne de valeur des médias éducatifs, en commercialisant leurs algorithmes et services de cloud auprès des producteurs ou en proposant des plateformes d’intermédiation aux éditeurs et aux organisations éducatives (Boët, 2025). Quels intérêts socio-économiques ces divers acteurs, moteurs dans le récit d’une IA au service de la créativité pédagogique, poursuivent-ils dans ce paysage en mutation ? Quelles stratégies les pouvoirs publics adoptent-ils face à leurs promesses ? Ces technologies sont-elles susceptibles de naturaliser la légitimité éducative de ces firmes, ou au contraire de renforcer des conflictualités dans les systèmes d’éducation et de formation ? Axes de questionnement Ce numéro de Distances et Médiations des savoirs vise à rendre compte des questionnements, des réflexions comme des premiers usages de l’IA en éducation et en formation dans un spectre large :
Nature des propositions attendues Les propositions soumises pourront traiter la question selon plusieurs axes, parmi lesquels :
Modalités de réponse à l'appel Nous invitons les chercheur-e-s et praticien-ne-s chercheur-e-s à proposer des contributions répondant à ces différentes interrogations. Il pourra s’agir :
Les questions relatives à l’appel sont à adresser aux coordinateurs du numéro laurent.petit@sorbonne-universite.fr et hubert.boet@yahoo.fr. Calendrier prévisionnel
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